Palais de la Porte Dorée. Faire musée d’une histoire commune

Le Musée National de l’Histoire de l’Immigration présente sa galerie permanente avec un espace entièrement renouvelé, plus didactique et évolutif intégrant les recherches récentes sur l’immigration en France.

© Cyril Zannettacci

Au travers de documents d’archive, de photographies, de peintures, de sculptures, d’affiches, de parcours de vie, et d’outils de médiations numériques, le visiteur comprend que l’histoire de l’immigration et comprendre qu’elle est une composante indivisible de l’histoire de France.

Une scénographie jalonnée en 11 dates clés.

Le parcours est plus grand et plus accessible que le précédent. S’appuyant sur une approche historique à partir de faits migratoires majeurs des trois derniers siècles, la nouvelle exposition opte pour un cheminement chronologique en 11 dates repères.

L’immersion débute sous l’Ancien Régime en 1685 – date de la révocation de l’Édit de Nantes et de la promulgation du Code Noir en France – jusqu’à nos jours où l’immigration est au centre du débat politique.

Personna grata

Aujourd’hui, près d’un français sur trois a un lien avec l’immigration. L’affiche de l’exposition présentant Louis XIV fait référence à cette mixité, sa mère étant espagnole et sa grand-mère autrichienne. De nombreuses personnalités de nationalité française qui font la culture de la France ont des origines étrangères. Émile Zola (de père italien), Sonia Delaunay (née en Ukraine), Marc Chagall (né en Biélorussie) ou Joséphine Baker (née aux États-Unis). 

© Cyril Zannettacci

La culture c’est aussi la musique. Au détour de l’exposition, on entre dans une salle toute en longueur. C’est le studio de musique. Sont diffusées des playlists de chansons d’artistes d’origine étrangère comme Charles Aznavour, Barbara, Rachid Taha, Johnny Halliday ou Dalida. Car la France a toujours été une terre d’accueil pour nombre de musiciens et de chanteurs. Les années 1920 voient l’arrivée d’artistes afro-américians qui diffusent le jazz, dont le clarinettiste Sydney Bechett. En France, la liberté d’expression musicale a encore de beaux jours devant elle.

Des clés pour comprendre l’immigration

Fini les images d’Épinal de l’étranger, de l’immigré, du migrant. Le musée donne à voir un parcours à la fois historique et scientifique. C’est ce que Sébastien Gökalp, Commissaire général et Directeur du Musée national de l’histoire de l’immigration et son équipe essaye de faire tout au long du nouveau parcours de l’exposition permanente.

Interview de Sébastien Gökalp

« La France a toujours été un lieu de passage et d’installation… Ce n’est pas une exposition de débats ou d’idées mais c’est avant tout une exposition scientifique. Nous n’avons pas à vous dire ce que vous devez penser ou quelles idées vous devez avoir. Nous devons vous donner des éléments pour vous constituer votre propre réflexion. »

Le parcours du musée s’appuie sur le rapport de préfiguration du comité scientifique présidé par Patrick Boucheron, historien et professeur au Collège de France. Pour Marianne Amar, historienne et Cheffe du département Recherche au Musée national de l’histoire de l’immigration, l’important est d’apporter aux visiteurs des faits historiquement prouvés.

Interview de Marianne Amar

« En montrant ces faits précis et irrévocables, on fait résonner le présent dans le passé. On a voulu en permanence scander le parcours de données chiffrées pour donner des ordres de grandeur et faire résonner le présent. On a voulu aussi donner à voir la naissance de phénomènes que l’on voit aujourd’hui, comme la création des papiers d’identité dans les années 1930. »

© Voitures Cathédrales, Thomas Mailaender, 2004

Le Palais de la Porte Dorée fait musée de notre histoire commune. Certaines photos et documentaires liés à l’actualité des trente dernières années nous les connaissons. Certaines affiches nous les avons vu au détour d’un mur. Nous sommes les témoins de la mixité qui fait le sel de la France.

Exposition permanente du Musée National de l’Histoire de l’Immigration. Palais de la Porte Dorée – 75012 Paris

Baal : A corps perdu

Mise en scène par Armel Roussel et jouée au théâtre de la Tempête, « Baal », la première pièce de Bertold Brecht, nous raconte le parcours d’un poète antisocial, amoral, avide de sexe, d’alcool et de vers libres.  

© Pascal Gely 
 
Après « L’éveil du printemps » montée en 2020, Armel Roussel revient au théâtre de la Tempête pour présenter Baal, la première pièce écrite par le jeune Berthold Brecht, alors âgé de 19 ans dans sa version originale. Brecht en écrira cinq versions. La dernière en 1955, un an avant sa mort. En 27 tableaux, nous cheminons aux côtés de ce poète et personnage sulfureux, qui défie les conventions sociales et morales avec une liberté débridée. 

Interview d’Armel Roussel mixée avec des extraits de Baal

La pièce à l’origine s’appelait Baal baise ! Baal danse !! Baal se transfigure !!! Moi je suis parti de cette version-là. C’est un texte très pertinent, très percutant particulièrement dans la période post #MeToo dans laquelle on est. C’est très rare de lire un texte qui puisse faire à la fois le portrait d’un personnage masculin qui est clairement un porc mais qui est à la fois un porc mais aussi un poète. Brecht disait un être asocial dans une société asociale. L’idée était non pas de défendre un agresseur mais plutôt de travailler sur la faille et le trouble. Je suis un peu fatigué de voir des spectacles où l’on m’explique ce que je doit penser. Moi je préfère faire des spectacles qui ouvrent des portes avec des libertés d’analyse, de pensée et de jugement chez les spectateurs et pas à partir du plateau.

Des amuse-gueules en entrée

Dès l’entrée de la salle du théâtre, les comédiens nous accueillent avec un verre de vin blanc et de petits canapés au saumon fumé. Ces amuse-gueules réchauffent l’ambiance. Avant même que la pièce ne commence, les spectateurs sont invités à participer à un karaoké de la chanson « Psycho Killer » des Talking Heads par le comédien qui joue Baal. Belle entrée en matière dans l’univers provocateur et sans concession du poète.

I can’t seem to face up to the facts
I’m tense and nervous and I can’t relax
I can’t sleep ’cause my bed’s on fire
Don’t touch me, I’m a real live wire


Psycho Killer
Qu’est-ce que c’est ?

Un anti-héros provocateur et séducteur

Baal est un poète lyrique et voyou qui se moque de la gloire et de la reconnaissance. Il préfère vivre selon ses pulsions, sans se soucier des conséquences. Il boit, il chante, il couche avec toutes les femmes qu’il croise, qu’elles soient mariées, vierges ou prostituées. Il trahit ses amis, il vole. Il n’a de respect pour rien ni personne, pas même pour lui-même. Il est l’incarnation de l’artiste maudit, qui refuse toute compromission avec la société.

La pièce se déroule avec une énergie effrénée, transportant le public dans l’univers sombre et turbulent de Baal. Anthony Ruotte livre une performance époustouflante dans le rôle-titre, étant présent sur le plateau du début à la fin de la pièce. Sa présence magnétique et sa maîtrise du personnage donnent vie à Baal avec une intensité saisissante.

Une pièce scandaleuse et subversive

Brecht a écrit Baal sous l’influence d’Arthur Rimbaud et de François Villon. Il s’inspire aussi de sa propre expérience de la guerre et de la révolution. Il veut choquer son époque, qui sort traumatisée du premier conflit mondial. Il dénonce l’hypocrisie et la corruption des élites, qui exploitent les masses populaires. Il critique aussi le conformisme et le puritanisme des classes moyennes, qui étouffent la créativité et la spontanéité. Il affirme la supériorité de l’art sur la morale, de la nature sur la civilisation.

Une mise en scène audacieuse et inventive

Les vingt sept tableaux de la pièce offrent une série de situations tragi-comiques qui mettent en lumière les dérives de Baal et son exploration de la liberté absolue. Les comédiens, tous très investis et justes, donnent vie à une galerie de personnages hauts en couleur et évoluent avec aisance dans les différents tableaux. L’atmosphère du bar en fond de scène apporte une dimension supplémentaire à l’histoire, créant un espace de rencontres, de débauche et de désillusion.

Baal se joue au Théâtre de la Tempête à la Cartoucherie de Vincennes jusqu’au 23 juin 2023.

Le Grand Saut dans l’imaginaire

Mon oeil sur l'In-Formation

C’est le troisième roman de Thibault Bérard en littérature adulte. A la suite d’Il est juste que les forts soient frappés, et deLes Enfants véritables, sortis coup sur coup en 2020 et 2021 aux éditions de l’Observatoire, ce troisième ouvrage est la première réelle œuvre de fiction de Thibault Bérard.

La traversée du miroir

Après des années passées à guider les autres en littérature comme éditeur aux éditions Sarbacane, il a décidé de franchir le pas en se donnant le droit à l’écriture. Se faisant, il a traversé le miroir, quittant son travail et la région parisienne pour la province plus propice à sa nouvelle destinée d’auteur et à sa vie de famille. Mais revenons à son troisième romanLe Grand Saut.

Entre mort et vie

Une drôle de bouquin qui s’ouvre par la mort en direct, par infarctus, de Léonard, vieux, veuf…

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Le Grand Saut dans l’imaginaire

C’est le troisième roman de Thibault Bérard en littérature adulte. A la suite d’Il est juste que les forts soient frappés, et de Les Enfants véritables, sortis coup sur coup en 2020 et 2021 aux éditions de l’Observatoire, ce troisième ouvrage est la première réelle œuvre de fiction de Thibault Bérard.

La traversée du miroir

Après des années passées à guider les autres en littérature comme éditeur aux éditions Sarbacane, il a décidé de franchir le pas en se donnant le droit à l’écriture. Se faisant, il a traversé le miroir, quittant son travail et la région parisienne pour la province plus propice à sa nouvelle destinée d’auteur et à sa vie de famille. Mais revenons à son troisième roman Le Grand Saut.

Entre mort et vie

Une drôle de bouquin qui s’ouvre par la mort en direct, par infarctus, de Léonard, vieux, veuf, solitaire, rejeté par ses enfants pour avoir été infidèle, grande gueule, vulgaire et buveur invétéré. Quand il fait un infarctus, il voit sa vie défiler.

Tout au long des pages, on revit les moments clés de son histoire. Une histoire de rustre qui aurait pu être heureux, s’il n’avait pas été un soiffard attaché au goulot de ses satanés bouteilles de gin.

Il en était là, à crever tout seul dans sa cuisine comme un con, par un jour de grand beau. Il avait pris une suée et hop, en route pour l’enfer.  

Zoé est l’autre personnage principal du roman. A dix ans, elle décide d’impressionner sa mère en sautant du plongeoir de 10 mètres de la piscine du Center Parcs. Elle a toute la vie devant elle, pourtant, à son âge, elle prend des risques inconsidérés. 

C’est haut, terriblement haut. Quand elle se penche (mais il ne faut pas qu’elle se penche trop, elle pourrait glisserdu haut de ces dix mètres, dix mètres ! , avant de se fracasser la nuque dans l’eau) les gens lui semblent minuscules. De vraies fourmis.

On comprend qu’elle ne peut pas reculer et qu’elle doit faire le grand saut pour devenir une héroïne. Une vraie qui va venir au secours de sa mère tombée dans une profonde catatonie et qui se retrouve internée en hôpital psychiatrique. Au cours des pages, les destins de Léonard et de Zoé s’entremêlent. 

Processus de création

Ce roman est également un grand saut pour Thibault Bérard car il est de pure invention après ses deux premiers opus autobiographiques. 

Photo ©-Audrey-Dufer

Forcément, on met tous un peu de nous dans nos personnages. Léonard qui n’est pas très sympathique, représente tout ce que je ne veux pas être. C’est ma part noire, ma part obscure. Zoé, la petite fille, c’est mon amour pour l’imaginaire. Tout ce qui permet d’affronter le réel le plus dur en le rendant merveilleux par la grâce de l’enfance. 

Le processus de création relève un peu du défi et de l’observation pour Thibault Bérard. C’était un défi de commencer le récit par la mort d’un personnage principal. La deuxième scène, celle de Zoé, il y a assisté, en voyant sa propre fille sauter d’un plongeoir et en se disant que c’était un bel élan de vie. C’est le moment où l’on dépasse ses limites en affrontant le regard des autres.

Thibault Bérard a la plume alerte avec une écriture tout en image. On vit au rythme des vicissitudes des personnages, on plonge avec lui dans l’expression des émotions et des tourments de l’âme humaine. On refait surface en pleine résilience pour atteindre, qui sait, le bonheur.

Auteur prolixe, il vient de publier chez Gallimard JeunesseSuzanne Griotte et le parc aux limaces, un Faust, drôle et iconoclaste por filles dés 7 ans. Son quatrième roman en littérature adulte, qui sortira en 2024, aura pour titre Les Amazones, un quatuor de trentenaires fortes en gueule qui pourrait être des mousquetaires au féminin.

On attendant, on vous recommande Le Grand Saut aux Éditions de l’Observatoire.