Cavatina de Figaro « Se vuol ballare »
Le 6 août, le festival Les Musicales de Cormeilles a accueilli pour la treizième fois la troupe britannique Diva Opera. Avec Les Noces de Figaro, la compagnie a su transformer l’intimité du théâtre normand en un moment d’exception.
La soirée au Théâtre de Cormeilles est pleine d’animation. L’excitation monte à mesure que les spectateurs prennent place, curieux de découvrir ou redécouvrir ce chef-d’œuvre de Wolfgang Amadeus Mozart joué en italien, avec sous-titres et costumes d’époque. Sur scène, le décor est minimaliste, quelques meubles, un grand paravent et sur la gauche, un piano à queue Steinway & Sons. La simplicité est de rigueur pour la troupe Diva Orchestra.

Photo©Jean-Claude Djian
Cavatina de la Comtesse « Porgi amor qualche ristoro »
Un Mozart épuré et vibrant
Pas d’orchestre au complet : un piano suffit. Bryan Evans, directeur musical et artistique de Diva Opéra restitue seul l’élan de toute la partition. Cette épure permet d’entendre chaque détail de la musique de Mozart comme une conversation intime. La scène, volontairement dépouillée, favorise la concentration sur les voix et les gestes. Cette proximité transforme la représentation en un moment partagé, où l’opéra cesse d’être spectacle pour devenir dialogue.

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Aria de Susanna «Venite, inginocchiatevi, restate fermo li ! »
Les chanteurs, au plus près du public
On perçoit le grain de leur voix, la tension de leur souffle. A travers les jeux d’acteurs se lit l’émotion qui passe de visage en visage et l’on entend chaque inflexion, chaque nuance. Au cœur de l’intrigue, Ambrose Connolly incarne un Figaro plein de charme et d’espièglerie, très juste dans les moments de malice comme dans les instants plus tendres. À ses côtés, Tereza Gevorgyan rayonne dans le rôle de Suzanne, mêlant vivacité et grâce dans ses dialogues et airs. Mary McCabe, en Comtesse, offre une interprétation sensible, où la noblesse se mêle à la douleur et au sens du pardon. Jean-Kristof Bouton prête au Comte une profondeur nuancée, représentant à la fois l’autorité et la confusion d’un homme soumis aux passions.

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Aria du Comte « Vedrò, mentr’io sospiro »
Un public surpris… puis conquis
Les oeuvres montées par Diva Opera sont pensées pour s’adapter aux petites salles : plus courtes, centrées sur l’essentiel de l’intrigue, elles servent les arias, duos et ensembles en conservant l’âme de l’œuvre. Ce 6 août, le public a découvert ou redécouvert Mozart de près. Dès les premières répliques, un étonnement réjoui parcourt la salle. Et à mesure que l’intrigue se déploie, l’alchimie entre scène et salle devient évidente. Les chanteurs, habités par leur rôle, multiplient clins d’œil et échanges de regards avec l’assistance. L’ultime accord retentit, et une ovation, longue, éclatante vient sceller la réussite de cette soirée.
Pour sa 27ᵉ édition, le festival célébrait la vie avec son thème Viva la Vida. Dans la douceur nocturne de Cormeilles, loin du faste des grandes scènes, Mozart se vivait comme une conversation intime.
Repères
Portrait de troupe
Jean-Claude Djian

4 chanteurs à toute voix
Mary McCabe (La Comtesse) : soprano irlandaise, formée à Queen’s University de Belfast et au Royal Conservatoire of Scotland. Les médias spécialisés saluent sa voix de soprano pour sa puissance, sa chaleur et sa capacité d’incarner la profondeur émotionnelle de ses personnages
« La comtesse est un rôle très émotionnant parce que je vois sa fragilité. J’adore son caractère, il a quelque chose de très réel. J’ai moi-même fait l’expérience de la douleur de l’amour, et je retrouve cela dans ce rôle. Anne m’a contacté pour le rôle et j’ai dit oui. »
Tereza Gevorgyan (Susanna) : soprano arménienne, s’est formée à Erevan puis à la Royal Academy of Music de Londres. Artiste lyrique reconnue sur la scène internationale, elle a interprété un vaste répertoire d’opéra et de concerts.
« Chez Diva Opera, on devient une famille. En tournée, nous faisons tout ensemble, il se crée une vraie confiance. C’est bouleversant de chanter si près du public, on peut croiser son regard, lui chanter directement. Cela change tout. Susanna est un rôle immense, long et difficile, notamment avec ses récitatifs… Le public adore ce rôle et vous vous de le faire parfaitement. »
Ambrose Connolly (Figaro) : baryton britannique formé à Londres et à Kazan en Russie. Il est lauréat du prix international de chant d’opéra Serebranie Rosi.
« Avec Anne et Bryan, tout prend sens : ils insufflent une culture de troupe qui fait qu’on vit vraiment la musique de l’intérieur. Sur scène, ce ne sont pas que des rôles : ce sont des amitiés sincères, réelles, vécues. Notre rôle de chanteur et de raconter une histoire dans un environnement intime et c’est pour cela qu’il y a cette énergie. »
Jean-Kristof Bouton (Le Comte) : baryton franco-canadien formé à Montréal et Bucarest, a débuté au Romanian National Opera Iași avant de se produire dans de nombreux théâtres européens, incarnant des rôles majeurs du répertoire.
« Pour Anne Marabini et Bryan Evans, le choix des chanteurs ne se fait pas seulement sur la voix mais aussi sur notre capacité à travailler ensemble. Il y a une vraie chimie entre nous. Diva Opéra m’a donné la chance de chanter en Angleterre et puis, je suis tombé en amour avec eux. »
Diva Opera, 29 ans d’aventures lyriques

Photo©Jean-Claude Djian
La troupe a été créée en 1996 par Anne Marabini Young, ancienne soprano néo zélandaise et Bryan Evans. Diva Opera a fait de l’adaptation au petit format sa spécialité. Objectif : ouvrir l’opéra à des lieux où il n’arrive que rarement. En 2025, Diva Opera fête ses 29 ans d’existence Aujourd’hui, la troupe donne plus de quarante représentations par an, notamment en France, au Royaume-Uni, dans les îles Anglo-Normandes et en Afrique du Sud. Chaque année, deux opéras sont montés. Cette année la troupe tourne avec Don Pasquale de Gaetano Donizetti et Les Noces de Figaro de Mozart.
« Nous voulions apporter l’opéra là où il n’était pas attendu, presque comme un réveil pour de nouveaux publics. Le chant ne peut pas être quelque chose de purement individuel. Les chanteurs doivent se connecter les uns aux autres », confie Bryan Evans. « Au fil du temps, c’est vraiment devenu une famille. Comme nous voyageons et vivons ensemble presque toute l’année, il se crée une véritable complicité, une alchimie entre nous. Cela se voit sur scène : le spectacle est meilleur lorsque les artistes se connaissent bien », ajoute Anne Marabini Young.
Les Musicales de Cormeilles : Racines et Horizons
Créé il y a 17 ans par Éric Dumont, le festival les Musicales de Cormeilles a pour particularité d’inviter toutes les musiques : du classique au jazz, du rock à l’opéra. Diva Opera y est attendue chaque année. Leur fidélité a écrit une histoire d’attachement partagé. Le festival vit grâce à un tissu local : commerçants, artisans et entreprises régionales soutiennent l’événement.
« Le public adore Mozart, et quand, Diva Opera l’interprète ici, c’est toujours un succès. Leur présence nous honore. Nous avons peu de subventions, seulement 25% de notre budget. Mais, cette fragilité crée aussi une force : l’ancrage local fait partie du festival », précise Éric Dumont.